par Bernard DEL FABRO,
compagnon du Bailliage d’Aix-les-Bains

A Pierre II succède son frère Philippe, huitième fils du Comte Thomas. Après Philippe, mort sans enfant, son neveu Amédée lui succède sous le nom d'Amédée, cinquième Comte à porter ce nom : ce sera Amédée V le Grand. Quarante ans de règne à aplanir les tensions et les tiraillements de famille dus à sa désignation à la tête du Comté. Son petit monde casé et apaisé, Amédée s'emploie à défendre ses Etats agrandis de la Bresse et de la Dombes, dot de sa première épouse Sybille de Baugé.

Pour Amédée, la meilleure défense, c'est toujours l'attaque. Dans le conflit qui l'oppose à ses voisins, il sait jouer des alliances internationales, le roi d'Angleterre, le roi de France, l'Empereur, entrent tout à tour dans son jeu. En Italie, en Flandres, il est partout, prêt à seconder tantôt l'Empereur ou tantôt les rois. Son œuvre intérieure à son Etat se poursuit également. Il achète le Château de Chambéry qu'il fait rebâtir, ainsi que les fondations de la Sainte Chapelle. Le pouvoir Comtal jusqu'ici ambulatoire, se déplaçant de ville en ville, se fixe désormais à Chambéry. A sa mort, la chronique rapporte qu'il avait assiégé et pris 35 châteaux forts…

Son œuvre immense s'applique à diminuer le pouvoir des féodaux et spécialement le pouvoir épiscopal des évêques. Les grands féodaux écclésiastiques vont voir leur pouvoir incessamment rogné, battu en brèche par les Comtes, par tous les moyens : droits de justice, empiétements territoriaux sur prétexte d'utilisation judicieuse du vicariat impérial.

L'exemple de l'évêque de Maurienne, prince indépendant et souverain jusqu'au début du XIVème siècle, montre que toute occasion est exploitée par Amédée V. En 1326, une révolte éclate dans une partie du domaine de l'évêque, due à la rapacité des fonctionnaires épiscopaux chargés de rédiger les actes publics ou de percevoir les redevances féodales. Tandis que l'évêque, Aimon d'Urtières, prélat pourtant paternel et libéral, séjourne dans son château de Saint Jean d'Arve, il est assiégé par les Arvains qui se montrent bien décidés à le tuer, lui et ses familiers. N'ayant pu pénétrer dans la forteresse, ils tournent leur fureur contre Saint Jean de Maurienne, où ils font de nombreuses victimes et brûlent l'église et le clocher. A la demande de l'évêque le Comte intervient, rétablit celui-ci sur son siège et le dépouille d'une grande partie de ses droits et de son pouvoir temporel.

Il se passera une chose à peu près semblable pour l'archevêque de Tarentaise en 1358 qui voit son domaine réduit à Moutiers et 14 paroisses rurales.

Amédée V ayant rendu fort son Etat de Savoie pourra apparaître à ses contemporains et à la postérité comme le type le plus accompli du chevalier couronné.