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L'exil des Vaudois (1686-87) : un épisode douloureux de l'Histoire de la Savoie

vaudoispar Pierre Geneletti, Président de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Maurienne

 

18 octobre 1685. Louis XIV signe à Fontainebleau la révocation de l'Edit de Nantes. Le culte protestant est interdit en France. Des milliers de réformés vont quitter le royaume pour se réfugier en Suisse, en Hollande ou en Allemagne. Dans le duché de Savoie, vivent dans une trentaine de villages situés dans les vallées alpines à l'ouest de Turin, une communauté calviniste d'environ quinze mille personnes, derniers représentants des « Pauvres de Lyon », fondée par Pierre Valdo vers 1176 : les Vaudois.

Sous la pression du roi de France, Victor-Amédée II se voit contraint de « travailler à la réduction des vaudois ». Il va leur proposer soit de se convertir soit de quitter le duché. Les vaudois refusent, prennent les armes. Une grande bataille a lieu le 22 avril 1686 entre les troupes vaudoises et celles du duc assistées des soldats français de Catinat. Les vaudois sont battus.

 

La répression sera terrible. Deux mille combattants sont tués, trois mille vaudois se convertissent, huit mille sont arrachés du sol natal et emprisonnés dans des forteresses insalubres. Les Cantons évangéliques, alliés de toujours des vaudois, obtiennent du duc de Savoie que ceux qui le désirent puissent émigrer en Suisse.

L'accord prévoit qu'ils se rendent dans des cantons du nord, éloignés du duché et que les suisses ne leur fournissent aucun moyen pour revenir. Les volontaires partiront à pied, en brigades encadrées par une compagnie militaire et en utilisant les structures de l'étape militaire. Le premier jour ils vont de Turin à Suze, le deuxième, ils passent le Montcenis et arrivent à Lanslebourg, le troisième, ils gagnent Modane, le quatrième, Saint-Jean-de-Maurienne, le cinquième, Aiguebelle, ils passent ensuite par le col de Tamié, Annecy, Saint-Julien-en-Genevois enfin arrivent à Genève.

La première brigade part le 7 janvier. Les voyageurs font l'objet de nombreuses brimades de la part des soldats qui les accompagnent. Deux fillettes sont enlevées. De nombreux vaudois affaiblis par des mois d'emprisonnement dans des conditions déplorables et par un voyage dans des conditions hivernales meurent en chemin. Quatorze brigades font le voyage entre janvier et mars. La deuxième brigade se fait prendre dans une tempête de neige au col du Mont Cenis. Quatre-vingt-seize personnes trouvent la mort. Les cadavres jonchent le chemin. Ils ne seront enterrés qu'au printemps à la fonte des neiges. Beaucoup de ceux qui arrivent à Lanslebourg ont les pieds ou les mains gelées. Les Cantons Evangéliques exigent et obtiennent du duc de Savoie l'autorisation d'envoyer quatre commissaires pour surveiller les convois. Ils arrivent en Savoie le sept février 1687. Leur présence a pour conséquence immédiate l'amélioration des conditions de voyage : on fournit des vêtements chauds pour franchir le Mont Cenis, les brimades cessent, les commissaires fournissent de la nourriture chaude aux enfants, font soigner les malades, renouvellent les vêtements et les chaussures usagés, font rechercher les personnes enlevées.

Plus de trois mille vaudois feront le voyage vers la Suisse. Nombreux sont ceux qui perdront la vie en chemin, les registres de décès en témoignent. Ce triste épisode de l'histoire de la Savoie sera marqué par la souffrance des vaudois et par les problèmes matériels posés aux communes étapes.

Conséquence ultime de cette guerre de religion, Victor-Amédée II supportant de plus en plus difficilement l'ingérence de la France dans ses affaires, se rapproche des nations membres de la ligue d'Augsbourg. Le dix-neuf avril 1690, il offre la paix aux vaudois. Louis XIV lui envoie un ultimatum jugé inacceptable. La guerre avec la France éclate en juin 1690.